Pierluigi Tamburi enseigne la musique aux élèves du secondaire d’Arthur Rimbaud. Il exprime dans cet article son point de vue et sa méthode.

J’ai programmé l’apprentissage de la musique dans notre collège en organisant des leçons sur des sujets généraux pour nos petits musiciens et en dédiant une attention particulière à la préparation à son exécution par nos élèves du collège. Je pense que ce cheminement est incontournable dans la mesure où, en me fondant sur mon expérience, à moins qu’on ait la chance de s’adresser à des jeunes qui ont déjà commencé l’étude d’un instrument dans le cadre privé, la plupart des élèves n’ont que des notions de musique instrumentale limitées à l’accompagnement de la danse ou de la voix humaine (chansons).

L’objectif principal de cette organisation pédagogique est de faire appréhender par les élèves qu’il existe un développement remontant aux temps les plus anciens de la musique instrumentale comme fin en soi, en tant qu’expression de l’évolution culturelle des peuples et des sentiments humains, mais surtout de leur faire vivre une expérience pratique.

C’est principalement pour cette raison que je me suis toujours efforcé d’organiser l’enseignement de la matière musicale au travers des étapes suivantes :

L’étude des fondements de la théorie et du langage musical.

Le développement du sens du rythme.

L’apprentissage d’un instrument de musique.

La préparation à l’exécution avec des instruments de musique.

L’étude de l’histoire de la musique et des divers styles musicaux aux différentes époques.

L’étude de la diversité des expressions musicales dans le monde en fonction des tempéraments et des cultures nationales.

Le développement d’un regard critique sur les diverses expressions et les styles musicaux.

  1. L’étude des fondements de la théorie et du langage musical

Comme préalable indispensable à l’exécution musicale, l’enfant a besoin d’apprendre à s’exprimer dans ce que j’appelle une nouvelle langue. Être capable de lire et d’écrire les partitions musicales est comparable à la faculté de lire et écrire l’alphabet, dans lequel, en effet, chaque symbole correspond à un son différent, ce qui est le cas dans toutes les langues du monde. L’alphabet étant appris, il faut, comme pour toute langue parlée, comprendre l’utilisation des phrases simples ou complexes, de l’intonation des divers sons de cette langue, pour aboutir à une compréhension plus profonde du sens du signe écrit comme expression d’une idée ou de sentiments divers. Dans ce but, le premier pas dans l’étude de la musique est d’apprendre à lire les notes (l’alphabet musical).

  1. Le développement du sens du rythme

Dès les premières leçons, on demande aux petits élèves d’apprendre à reproduire divers rythmes, même en frappant simplement dans les mains, en les lisant sur une partition musicale préparée exprès pour comprendre les valeurs et durées des différentes notes au travers de la compréhension du « tempo » relatif. Ce « tempo » constitue la répétition des divers rythmes. Pendant cet exercice on demande à l’enfant de contrôler le mouvement des mains en le rapportant à la lecture des symboles des valeurs des notes. L’utilité de ces exercices est désormais reconnue, elle constitue une « gymnastique » mentale et physique, qui contribue pédagogiquement à la croissance, comme peuvent l’être le sport, la danse ou la gymnastique elle-même.

  1. L’apprentissage d’un instrument de musique

Être capable de produire des sons, organisés en notes et rythmes lus dans la partition musicale, est l’aboutissement effectif et la mise en pratique de l’étude de l’alphabet musical. C’est donc comparable à la lecture à voix haute d’un livre écrit dans une langue différente. Dans notre collège nous utilisons la flûte à bec, que l’on peut facilement se procurer. On apprend aux jeunes élèves comment bouger les doigts et comment « respirer » afin de produire les différents sons. La coordination des mouvements des doigts et du souffle dans la flûte n’est pas facile au début pour un enfant, principalement parce qu’on doit apprendre des mouvements que l’on n’effectue jamais dans la vie de tous les jours. Par exemple, bouger le petit doigt seul tandis que tous les autres restent immobiles constitue l’une des premières difficultés. En fait, quand nous voulons prendre un objet, nous utilisons le pouce, contrebalancé par tout le reste de la main et nous n’utilisons jamais les doigts individuellement, un par un. Dans l’enseignement musical, ceci s’appelle l’apprentissage de l’indépendance des doigts.

En général, la faculté de coordination des mouvements est fortement améliorée grâce à ces exercices.

SI nous y ajoutons la perspective générale de l’exécution musicale au travers de la production organisée des sons selon un rythme juste, le bénéfice pédagogique en devient évident. On remet aux jeunes des pages couvertes de signes étranges (les notes avec leurs valeurs et leurs rythmes) et ils sont alors capables de les transformer en sons, seuls ou tous ensemble avec les élèves de la classe. Leur satisfaction est immense quand il réussissent à jouer en mesure tous ensemble la petite composition qu’on leur a remise…

  1. La préparation à l’exécution avec des instruments de musique

Une fois qu’ils ont appris à jouer l’une ou l’autre composition, on demande aux élèves de l’exécuter seul ou en groupe devant la classe (pendant les leçons habituelles) ou devant un public externe (pendant les fêtes, commémorations, etc.). L’exécution en public constitue une mise à l’épreuve très stimulante. Ici, on avance pour ainsi dire « à découvert ». On ne peut plus ni feindre ni cacher quoi que se soit. Mais c’est aussi là qu’on peut éprouver les plus grandes satisfactions, non seulement venant du public mais aussi au fond de soi. En fait, il faut ici surmonter les sentiments négatifs, la peur de se tromper et il faut aussi savoir utiliser au mieux sa capacité de concentration. C’est justement pour cela qu’à la fin de l’exécution en public on peut pousser un grand soupir et sentir se renforcer sa confiance en soi. La relation « préparation sérieuse – exécution réussie » est une des valeurs à acquérir dans ces occasions.

  1. L ’étude de l’histoire de la musique et des divers styles musicaux aux différentes époques

Nos jeunes élèves écoutent beaucoup de musiques, naturellement, celle de notre temps, qui est aussi le leur, à la radio, sur l’ordinateur et maintenant aussi sur leurs téléphones portables.

Ils sont experts dans ce registre musical, beaucoup connaissent même la vie de leurs chanteurs favoris.

Mais si on leur fait écouter de la musique des siècles passés, ils se mettent bien sûr à bailler, et il est logique qu’il en soit ainsi, nous ne pouvons pas les en blâmer… Il est au contraire surprenant de voir à quel point cela les intéresse que l’on raconte la vie des compositeurs dans l’histoire de la musique, et il commencent alors à comprendre que la musique de leurs contemporains est le fruit d’une évolution constante au travers de siècles d’histoire. Le noyau de la question est de réussir à leur faire comprendre qu’à chaque époque la musique a été l’expression des sentiments et des modes de vie, des événements historiques et des réactions des hommes rapportées à la période historique. Le récit de la vie de compositeurs qui ont passé leur existence à écrire jour et nuit de la musique les impressionne très fortement et c’est en cela qu’ils peuvent trouver un point de comparaison avec la vie de leurs idoles musicales actuelles.

  1. L’étude de la diversité des expressions musicales en fonction des tempéraments et des cultures nationales

Grâce à la présence dans notre école d’enfants provenant de cultures et de nations très diverses, le problème de l’étude des musiques du monde ne se pose pas pour nos élèves. Au contraire, pendant ces leçons, l’intérêt et la participation augmentent fortement grâce à l’investissement personnel de chacun. Il est intéressant de remarquer avec quelle fierté chacun présente aux autres éléments de la classe le style de la musique traditionnelle de son propre pays d’origine, revendiquant sa propre identité nationale.

 

  1. Le développement d’une conscience critique des diverses expressions et des styles musicaux

Il représente l’aboutissement de toute l’étude de la musique pendant les années de collège. À la fin de la troisième, quand les élèves écoutent une pièce musicale, on attend d’eux qu’ils réussissent à la situer dans une époque définie et surtout à comprendre les différences stylistiques grâce à l’analyse des instruments et des formes mises en œuvre. L’objectif final est de dépasser les simples notions de « super » ou de « naze », en maîtrisant un vocabulaire précis.

C’est la culture musicale appliquée.

Pierluigi Tamburi

Mots clés: Pédagogie, Musique